Écrire le voyage à Thrinakìa

« Île ouverte sur les genoux / Qui se feuillette à l’envers / Les jours et les pages défilent / Les tombes et les temples s’écartent / Le voyage redevient vivant / Le plaisir redevient le centre ».
Luc Dellisse, Retour dans l’île : une plongée en Sicile : poème primé par la 2ème édition de Thrinakìa (2014-2015).

Orazio Maria Valastro: président du prix Thrinakìa et directeur scientifique des Archives de la mémoire et de l’imaginaire sicilien (Catane – Italie) – Les étoiles dans la poche (organisation de bénévoles inscrite au registre général du volontariat de la région Sicile à la section éducative et socioculturelle).

Le port de la ville de Catane
Voyage à Thrinakìa, journal de voyage illustré de Véronique Béné, carnettiste et illustratrice dessinant le monde pour le comprendre, œuvre primée par la cinquième édition de Thrinakìa 2019-2020, prix international d’écritures autobiographiques, biographiques et poétiques, dédiées à la Sicile.

À travers ces quelques lignes transparaît, dans le poème Retour dans l’île, une trace autobiographique partagée par les expériences racontées dans la section journaux de voyage du prix Thrinakìa [1]. L’écriture du voyage dans l’île de Thrinakìa, sans avoir la prétention d’épuiser toutes les questions relatives à l’écriture personnelle, esquisse comme en filigrane ce même parcours illustré par les planches dessinées, les images accompagnant le récit écrit d’un voyage en Sicile. Voyage à Thrinakìa, c’est un récit par images et textes où l’on peut découvrir, en feuilletant les illustrations réalisées sur place pendant le voyage de la carnettiste, des lieux mythiques, des paysages naturels redoutables et majestueux. Ainsi que le plaisir de la rencontre avec la vie au quotidien dans un espace autre qui ne nous appartient pas.

Le voyage amorcé par l’écriture redevient vivant, présent et vital pour les auteurs et les lecteurs. À la fois parce que c’est l’évocation d’un chemin vécu et accompli portant des valeurs pour le présent et l’avenir, et parce que sollicite un regard sensible sur la vie au-delà de nous-mêmes. Le plaisir de partager et susciter des émotions, avec leurs souffrances et leurs joies, à la recherche d’histoires qui nous montrent le sens de tout et de la vie, redevient le centre d’une vision, d’une expérience individuelle ou en groupe, ouverte sur le monde.

À Piscaria, ancien marché aux poissons de la ville de Catane
Voyage à Thrinakìa, journal de voyage illustré de Véronique Béné, carnettiste et illustratrice dessinant le monde pour le comprendre, œuvre primée par la cinquième édition de Thrinakìa 2019-2020, prix international d’écritures autobiographiques, biographiques et poétiques, dédiées à la Sicile.

Avec quels yeux ces auteurs vont-ils écrire leurs voyages ? Ils vont éprouver de nouveau le sentir et le vivre qu’entraîne l’écriture. Et l’écrire fait revivre des séjours et des situations vécues qui vont superposer une perception sensible du monde extérieur et le regard sur une réalité apparemment dégagée de toute idéalisation. Le récit n’est pas nécessairement ancré dans une dimension chronologique relatant un déplacement dans le temps et dans l’espace. Les auteurs ne vont pas tout simplement retracer le vécu de l’expérience du voyage. Ils vont représenter un espace géographique et humain, la Sicile, avec leurs récits d’expériences de vie vécues sur l’île, et avec lyrisme et passion vont exprimer et partager des émotions pour eux-mêmes et pour les autres.

Pourquoi certains de ces auteurs ont-ils voyagé depuis la France et l’Espagne vers la Sicile ? D’une part pour jouir de la beauté de l’île, expérimenter l’esthétisme de l’extraordinaire par expérience personnelle. D’autre part, pour le désir de faire des découvertes. L’écriture retrace ainsi le voyage, pour le parcourir à nouveau dans un état d’esprit différent. L’esthétisation qu’engage l’écriture éclaire des valeurs humaines, étayant une posture éthique qui réclame compréhension et reconnaissance dans un espace esthétique où le temps de la vie et le temps de la réflexion méditée coexistent dans le récit du voyage. L’expérience vive de toutes les dimensions de l’existence est ainsi une possibilité à explorer pour se reconnaître et se retrouver dans les confluences réciproques de l’histoire des lieux et des histoires de vie d’une humanité commune.

Le vendeur d’oranges
Voyage à Thrinakìa, journal de voyage illustré de Véronique Béné, carnettiste et illustratrice dessinant le monde pour le comprendre, œuvre primée par la cinquième édition de Thrinakìa 2019-2020, prix international d’écritures autobiographiques, biographiques et poétiques, dédiées à la Sicile.

« Ce texte s’apparente derechef à un journal de voyage dans l’espace et dans le temps. J’explore la Sicile par petites touches, sans en faire trop sur la sérendipité, mais en l’acceptant avec bonne grâce. Hasard et sagacité recommandés. » (Archéologie d’un futur sicilien)

« … l’impression de faire corps avec l’histoire de la Terre qui ne s’écrit nulle part si bien que sur un volcan actif, et de faire partie de cette histoire avec tous ses proches. » (De Palerme à l’Etna en juin 2004)

« … la Sicile a commencé à entrer en moi, les rires pleins d’énergie et les paysages ont fait naître un flux affectif intérieur, un amour pour cette œuvre incrustée et peinte par les essences multiculturelles générées par les voyages, le passage du temps, la coexistence, le sens de l’humour, l’honneur et un équilibre mystérieux qui mêle une étincelle volcanique à des odeurs, des saveurs et des couleurs irremplaçables. » (Belle Sicile)

Le théâtre antique gréco-romain de la ville de Taormine
Voyage à Thrinakìa, journal de voyage illustré de Véronique Béné, carnettiste et illustratrice dessinant le monde pour le comprendre, œuvre primée par la cinquième édition de Thrinakìa 2019-2020, prix international d’écritures autobiographiques, biographiques et poétiques, dédiées à la Sicile.

Thrinakìa, avec ses journaux de voyage et ses œuvres autobiographiques, se révèle être un espace esthétique qui dépasse les frontières de l’île et nous parle de la condition humaine et des espoirs des femmes et des hommes de notre époque. Thrinakìa, cette île mythique du soleil qui n’est située ni à l’Est ni à l’Ouest, devient aujourd’hui une métaphore emblématique qui nous invite à raconter des récits de voyage et des histoires de vie vécues en Sicile. Au sein de ce microcosme d’écrits autobiographiques transfigurant les expériences humaines en une image poétique du monde, y a-t-il des traits caractéristiques, des similitudes et des différences avec les journaux de voyage en langue italienne ?

C’est plutôt une démarcation narrative qui rapproche ces écritures du voyage et qui demeure dans un élan sensible et partagé. Réconcilier un accomplissement personnel, soutenu par le désir égoïque d’une reconnaissance bienveillante de soi, avec une ouverture aux autres et au monde. Le prix Thrinakìa nous aide ainsi à repenser une insularité qui va au-delà de la séparation entre l’île et le continent, au-delà d’un espace physique et existentiel fermé sur lui-même qui limite et circonscrit notre vision du monde. Nous invite à considérer ces corps à corps avec l’écriture esquissant un exotisme esthétique : nous sommes envoûtés par ce que l’on ne comprend pas ou par ce qui nous fascine. Un exotisme du quotidien aidant la vie à se faire comprendre et aimer au-dessus du besoin personnel d’être compris et aimés, sans nourrir l’indifférence ou être indifférent à l’autre et au monde.

Une vue du volcan Etna
Voyage à Thrinakìa, journal de voyage illustré de Véronique Béné, carnettiste et illustratrice dessinant le monde pour le comprendre, œuvre primée par la cinquième édition de Thrinakìa 2019-2020, prix international d’écritures autobiographiques, biographiques et poétiques, dédiées à la Sicile

Journaux de voyage cités : Archives de la mémoire et de l’imaginaire sicilien (Catane, Italie).

Archéologie d’un futur sicilien, Christian Gatard, section Journaux de voyages de langue française, Thrinakìa 3ème édition 2016-2017.

Belle Sicile (Sicilia bedda ) (Sicilia bella ?), Martín Guevara Duarte, section Journaux de voyages de langue espagnole, Thrinakìa 5ème édition 2019-2020.

De Palerme à l’Etna en juin 2004, Philippe Loriot, section Journaux de voyages de langue française, Thrinakìa 1ème édition 2012-2013.

Retour dans l’île : une plongée en Sicile, Luc Dellisse, section Poésies L’île de langue française, Thrinakìa 2ème édition 2014-2015.

Voyage à Thrinakìa, Véronique Béné, section Journaux de voyages de langue française, Thrinakìa 5ème édition 2019-2020.


[1] Thrinakìa, prix international d’écritures autobiographiques, biographiques et poétiques dédiées à la Sicile, a été créé en 2012 à l’initiative de l’organisation de volontariat Les étoiles dans la poche. Le prix comporte cinq sections : 1) Autobiographies – le récit d’une vie vécue en Sicile ; 2) Récits autobiographiques – le récit d’une expérience de vie significative vécue en Sicile ; 3) Journaux de voyage – la narration d’une expérience de voyage en Sicile ; 4) Biographies – le récit de l’histoire de vie d’une personne ayant vécu en Sicile ; 5) Poésies – une composition en vers ayant pour titre « L’Île ». La date limite pour la participation à la 6ème édition du Prix Thrinakìa (2021-2022) est le 28 février 2022. Pour plus d’informations, visiter le site web www.lestelleintasca.org ou écrire à info@lestelleintasca.org.

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